dimanche 23 septembre 2007

Patrick Bouchain : Construire autrement

« L’ouvrage doit rester ouvert, non fini » et laisser un vide pour que l’utilisateur ait la place d’y entrer pour s’en servir, l’enrichir sans jamais le remplir totalement, et le transformer dans le temps. Aujourd’hui non seulement les lieux sont personnalisés, mais ils sont fermés, c'est-à-dire terminés. Les architectes tentent de faire des œuvres de concepteur avec des projets qui leur ressemblent, et ils ferment ces œuvres, les rendent rigides, pour être surs que personne ne puisse les transformer car ils n’ont pas confiance ni en leur commanditaire, ni en leur utilisateur » p 31

Patrick Bouchain semble adhérer à cette idée d’œuvre ouverte et qui évolue dans le temps. Il défend une architecture participative contre l’architecte en tant que concepteur unique. L’enjeu est alors de faire en sorte que l’œuvre soit capable de gérer l’intervention de plusieurs personnes, de passer entre plusieurs mains sans jamais avoir l’air dénaturée. Dès sa conception l’œuvre accepte d’être transformée, appropriée.

« Mais pourquoi, pour l’architecture, l’interprétation est elle considérée comme de l’inconduite ? »

Inattendu comme enchantement

« Je crois au provisoire, à la mobilité des choses, à l’échange. Et je travaille à créer, en architecture, une situation dans laquelle la construction pourra se réaliser d’une autre façon et produire de l’inattendu, donc de l’enchantement. »P7

« l’impensé, série de récits qui s’ouvre avec cet ouvrage, s’appuie sur ces espaces de liberté dont nous avons besoin pour produire une architecture chargée de sens et non de normes »P8

Accepter de laisser son œuvre à un avenir incertain c’est faire confiance à l’imprévu, au hasard. Laisser les émotions pénétrer et modifier les espaces, s’imprimer sur ceux ci. Faire en sorte que toujours, cette ouverture à l’imprévu soit possible.

« Il est très difficile de laisser venir le non-voulu dans un projet. Cela peut néanmoins arriver si les documents indiquent le sens et non la forme de la construction. »

« « Ouvert », l’informel l’est car il constitue un « champ » de possibilités interprétatives, une configuration de stimuli dotée d’une indétermination fondamentale, parce qu’il propose une série de « lectures » constamment variables, parce qu’il est enfin structuré comme une constellation d’éléments qui se prêtent à diverses relations réciproques ». P117Umberto Eco l’œuvre ouverte

Figurer un sens et non une forme pour ne pas fermer comme l’abstraction en peinture nous laisse libre d’interpréter. C’est toujours ici la question de la représentation qui est soulevée, et la difficulté de communiquer. Plus nous cherchons à préciser en amont, plus les savoir faire se perdent.

Créer des « espaces de liberté » pour le concepteur, et ensuite pour l’usager. Patrick Bouchain encourage à ne pas tenter de tout déterminer avant la construction. Il lui faut alors du temps pour construire. Et le temps, à travers ce qu’il transporte, est ce qui pourra procurer l’émotion.

L’imprévu est ce qui nous anime, et il faut l’accepter malgré le danger qu’il représente.

Nomadisme/éphémère

« Une architecture pérenne a plus de risques d’être morte qu’une architecture éphémère, de la même façon qu’un sédentaire a plus de risques de se scléroser qu’un nomade. La sédentarisation st l’expression du confort, et c’est pour cela qu l’étranger fait peur : il vint d’ailleurs et bouscule les habitudes. On a pur et en même temps on a une attirance profonde pour lui. Sans lui, il n’y a pas d’humanité, pas de culture. De la même façon, sans la transformation des choses, il n’y a pas de vie en architecture, ni de vie tout court »32

Nous somme dans une société de la mobilité, de l’accessibilité. Le déracinement est devenu commun. Quand bien même pourrions nous parler de « village planétaire » et quitter cette angoisse de l’arrachement, de l’oubli même, quelle est notre rapport à la solidité et aux habitudes.

Sommes-nous prêts à être à nouveau nomades, comme à l’extrême, Archizoom l’imaginait avec la No-Stop City ?

Nous faut-il une architecture qui ressemble à cette société qui est celle du consommable, du facile, de l’instant, du réversible pour pouvoir y agir, la sentir tendre et accessible ? En quoi la mémoire et la durée en tant que stabilités nous sont également fondamentales ?


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