jeudi 27 septembre 2007

Umberto Eco : L'Oeuvre ouverte

Dans L’œuvre ouverte: Umberto Eco parle de compositions musicales qui doivent permettre à l’interprète de s’approprier l’œuvre dans un « acte d’improvisation créatrice ».

L’auteur établi une structure, un champ de possibilités que l’interprète pourra ensuite recomposer. L’auteur n’impose pas une interprétation. Il donne au contraire le plus de liberté possible tout en établissant préalablement une organisation.

En appliquant ce principe à l’architecture qui serait cet interprète : L’ouvrier, l’usager, d’autres intervenants ?

Comment l’architecte peut il concevoir en laissant place à l’interprétation tout en assurant certaines qualités de son bâtiment ?

Quelle est alors sa responsabilité par rapport à un bâtiment qui pourrait lui échapper ? Doit-il accepter cette distance que le temps place entre lui et son œuvre ?

Comment "ouvrir" pour favoriser la créativité de l'interprète?


Perspectives originales offerte par la succession des interprètes, des interventions sur une œuvre

Voici quelques œuvre cités par Umberto Eco :

-Le Klavierstück ou « la liberté de l’interprète agit sur (…) l’enchainement narratif du morceau ; elle réalise un véritable montage de phrases musicales ».

-Un autre morceau ou « la durée de chaque note est fonction de la valeur que lui attribue l’exécutant »

-Scambi d’Henri Pousseur : « l’œuvre constitue moins un morceau qu’un champ de possibilités, une invitation à choisir ».

-Troisième sonate pour piano de Pierre Boulez. Principe de « parenthèses- par exemple commence par une mesure dont le temps est indiqué, et se poursuit par d’amples parenthèses à l’intérieur desquelles le temps reste libre »p15-16

En architecture Le Klavierstück pourrait être assimilé à un architecture qui possède déjà un structure mais à recomposer, à réassembler selon les nécessités, tout comme le musée itinérant de Shigeru ban, composé de caisses de transport et qui peut être démonté puis remonté indéfiniment.

Scambi propose diverses combinaisons nous ramène au même genre d’exemple et nous fait penser à une nouvelle de Borges « le jardin aux chemins qui bifurquent » (fictions)Un livre qui offre une infinité de possibilité dans l’enchainement du roman. Le roman est infini et cherche à énumérer tous les possibles..

Le deuxième exemple nous mène plutôt à la manière de procéder de Patrick Bouchain, ou l’exécutant est alors l’ouvrier qui enrichie l’œuvre par son savoir faire et sa sensibilité.

Troisième sonate pour piano de Pierre Boulez

La troisième Sonate pour Piano de Pierre Boulez propose des parenthèses, qui peuvent être jouées ou non, vides qui laissent place à l’interprétation. Ici on entend plus particulièrement le « vide » propice à l’appropriation dont parle Patrick Bouchain.

Ces formes musicales « ne constituent pas des messages achevés et définis, des formes déterminées une fois pour toutes. Nous ne sommes plus devant des œuvres qui demandent à être repensées et revécues dans une direction structurale donnée, mais bien devant des œuvres « ouvertes », que l’interprète accomplit au moment même où il en assume la médiation. »P16

Ces œuvres sont donc faites pour être jouée et modifiées chaque fois, c’est dans l’instant quelle prennent leur force. Au moment même où elles sont interprétées. Comme elles ne sont jamais achevées, elles sont toujours vivantes. Les villes sont également inachevées, en perpétuelle modification et c’est la preuve qu’elles sont envie. On a besoin de les sentir vibrer, changer, vivre.

En architecture il est souvent difficile de ressentir cette vitalité. Comment créer une architecture ouverte ? Qui est constamment en mouvement ?

Imaginaire : Interprétation subjective

« L’œuvre d’art n’est plus un objet dont on contemple la beauté bien fondée mais un mystère à découvrir, un devoir à accomplir, un stimulant pour l’imagination ». P21

L’ouverture chez Umberto Eco va plus loin que cette idée de « interprétation » au sens propre d’une œuvre. L’interprète est aussi l’homme devant un tableau, le lecteur d’un poème. L’ouverture est alors la possibilité d’imaginer, de trouver un sens, une lecture qui nous est propre

En architecture il faut inciter cette interprétation subjective. Questionner le passant, l’usager : l’interpeler.

« Favoriser chez l’interprète des actes de liberté consciente (p18) » et rendre l’interprète actif.

« Jouir d’une œuvre d’art revient à en donner une interprétation, une exécution, à la faire revivre dans un perspective originale »P17

Jouir de l’architecture : faire en sorte qu’une ville, un bâtiment soit une matière à imaginer.

Calder : œuvre en mouvement : champ de possibilités

Difficultés de l’ouverture/ Contrôle et vitalité

« « Ouverture » ne signifie pas « indétermination » de la communication, « infinies » possibilités de la forme, liberté d’interprétation (…) simplement un éventail de possibilités soigneusement déterminées, et conditionnées de façon que la réaction interprétative n’échappe jamais au contrôle de l’auteur. »

La question du contrôle est très importante dans cette idée d’œuvre ouverte. Aujourd’hui les œuvres sont « fermées » car l’auteur doit assurer qu’elle va durer, et répondre à certains critères. Il est plus facile de fermer que d’ouvrir une œuvre car les chances de mauvaises surprises sont moindres.

Comment ouvrir sans craindre que son œuvre soit gâchée, salie, transformée avec mauvais goût ?

L’architecte doit-il accepter cette distance que le temps place entre lui et son œuvre ? Peut-il abandonner son œuvre aux usagers, à la ville ?

Discontinuité/ Entropie

« L’œuvre ouverte entend en pleine lucidité donner un image de la discontinuité : elle ne la raconte pas : elle est cette discontinuité. »P124

Le désordre semble favoriser l’ouverture. Il est flou et facile à accroître avec le temps. Il est encouragé par la succession d’évènement, de cultures…

Patrick Bouchain tire aussi partie du désordre « il faut accepter le désordre car c’est la vie ».

Le désordre peut être voulu mais aussi découler d’une succession d’usager, d’événements, d’ « interprétations ».


« Dans une tache, il manque donc l’élément de contrôle, la forme qui guide la vision. L’art tachiste, en renonçant à la forme-contrôle, renoncerai du même coup à la beauté, et miserait seulement sur la vitalité. »P135

« La vitalité, comme négation de la forme, devrait être préférée à la beauté. » P135

Le contrôle peut être perçu comme ce qui empêcherai à une architecture d’être vivante. Une architecture trop parfaite trop lisse dessinée dans les moindres détails, parfois jusqu’au moindre meuble et qui est faite pour être un tout mais qui ne respire pas ne tremble pas, n’est pas faite pour être modifiée mais pour correspondre le plus longtemps possible au dessin du concepteur.



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